Vendredi 1er avril 1983
Jour férié en Alsace (Vendredi saint).
Viviane m’accompagne à l'aéroport de
Strasbourg-Entzheim. A 17h45, je prends l'avion pour le Maroc. Escale à Genève.
Par les hublots, un beau et très long spectacle :
nous volons vers l’ouest et l’on suit le coucher du soleil.
20h30 (heure locale) : arrivée au MAROC, à l'aéroport Mohamed V de Casablanca.
Officiellement protectorat français depuis 1912, cependant
que la région de Tétouan, au nord, et celle d'Ifni, au sud, étaient tenues par
l'Espagne, le Royaume du Maroc
proclame son indépendance le 2 mars 1956.
Hassan II monte sur le trône chérifien en 1961, à
la mort de son père Mohamed V, artisan de la décolonisation. Chef suprême des
armées et Commandeur des croyants en sa qualité de descendant direct du
prophète, Hassan II tient toujours une place centrale dans la politique et la
vie publique marocaines.
Le Maroc est membre de la Ligue arabe depuis 1958.
Je suis attendu à l’aéroport par Hichem, qui vit au
Maroc depuis quelques années.
Nous mangeons avec des copains tunisiens à l'hôtel
Casablanca, un grand hôtel de luxe. Ce n’est pas ce que je fréquente habituellement.
D’ailleurs Hichem ne s’y est pas trompé, en réservant pour moi un hôtel
beaucoup plus modeste !
Après le repas, Hichem et ses copains m’y déposent. Je
passe la nuit dans une chambre très simple.
Samedi 2 avril 1983
Je passe la journée à Casablanca.
C’est la plus
grande ville du Maroc. Capitale économique du pays et première ville du Maghreb,
située sur la côte atlantique, elle emploie à elle seule 46% de la population active du pays.
Véritable poumon économique, elle est le premier pôle industriel, première
place financière et première zone portuaire. Son port est l'un des plus grands
d'Afrique.
Casablanca est loin d'être la ville la plus
intéressante pour un séjour. Contrairement à de nombreuses villes marocaines,
elle n'a pas une longue et riche histoire et son patrimoine architectural est, somme toute, relativement récent. On
ne vient pas spécialement à Casablanca pour visiter la médina traditionnelle
mais plutôt pour accéder à une ville
moderne du début du XXe siècle.
La place Mohammed V est le véritable cœur de
la ville moderne. Difficile de la manquer car elle est située à 300 m au sud de la place des Nations Unies,
juste à côté du grand parc de la Ligue Arabe. A l'image de la ville, cette place
est un modèle architectural
mêlant influences modernes et traditionnelles.
Je me promène dans la ville, je visite différents
quartiers.
A midi, je retrouve Hichem et ses amis pour manger à
l’hôtel Casablanca.
A 17h30, j’accompagne en voiture un des copains
tunisiens jusqu’à Kenitra, un port
sur l’Atlantique, au nord de Rabat. Cette
ville est tristement célèbre pour sa prison d’opposants politiques au roi
Hassan II.
Nous y arrivons à la nuit. J’attends autour de la
voiture que le copain en question règle les affaires pour lesquelles il est là.
Les rues sont animées. Magasins, échoppes et garages, à la lumière crue des
ampoules nues, sont encore en pleine activité.
Nous rentrons à Casablanca pour 22h. Je dors dans le
même hôtel qu'hier.
Dimanche 3 avril 1983
A 9h, Hichem et moi partons en voiture vers
Marrakech.
Sur le trajet, deux femmes qui semblent faire de
l’auto-stop nous font signe. Hichem s’arrête pour les charger. Bizarrement,
il me demande de prendre le volant et s’installe à l’arrière avec les deux femmes !
Discussions animées en arabe. Au bout d’un moment, Hichem me fait signe
d’arrêter. On largue les deux en pleine campagne. Ah bon !
Explications d’Hichem : des prostituées !
A 11h30, nous atteignons Marrakech.
Située dans
les collines au pied du Haut Atlas, la « ville rouge » a été
fondée en 1062 par Youssef Ibn Tachfin, premier souverain de la dynastie des
Almoravides. Marrakech atteint rapidement son apogée, en tant que capitale du
royaume, au début du XVIe siècle.
Nous arrivons dans un village-vacances de touristes
où Hichem, en congé pour deux jours, a réservé une chambre. Ce n’est pas
vraiment mon genre de vacances, mais bon !
On s’installe, on mange sur place, on se repose dans
la chambre.
Par la suite, on va se promener en ville.
Marrakech est divisée en deux parties distinctes :
la médina ou ville historique et la ville nouvelle.
La ville impériale surnommée la « Perle du Sud » ne
peut laisser indifférent. La grande place Jamaa-el-Fna et son agitation
(de jour comme de nuit !) vaut à elle seule le déplacement. C’est une place
située à l’entrée de la médina, à côté de la mosquée Koutoubia.
Ce lieu attire sans cesse des foules de visiteurs
venus pour assister aux spectacles animés par les charmeurs de serpents, les
dresseurs de singes, les conteurs, les musiciens et d’autres artistes
populaires. La place se distingue aussi par des orateurs qui racontent des
histoires ou vantent les mérites de produits magiques. Aujourd’hui, un
grotesque « charmeur de serpent » gesticule devant la foule bigarrée
en manipulant une inoffensive couleuvre de Montpellier.
Marrakech, c'est aussi la porte du Sud marocain.
Son ambiance, ses couleurs et son climat rappellent que le désert n'est pas
loin. Malgré tout, la végétation y abonde ; en effet, les parcs publics, les
jardins et les arbres fruitiers le long des grandes artères ont toujours été
perçus par les Marocains comme autant de défis à l'aridité.
Alors cette ville impériale apparaît comme un joyau
serti dans l'écrin naturel que forment autour les montagnes aujourd’hui
enneigées du Haut Atlas.
Lundi 4 avril 1983
Au matin, je vais faire quelques courses à
Marrakech.
Puis je passe la journée avec Hichem au bord de la
piscine du village-vacances.
Intérêts divergents : Hichem est venu pour se
reposer et pour draguer, moi pour visiter. Je trompe mon ennui en observant le
manège d’Hichem qui essaie vainement d’emballer deux touristes étrangères.
Intermède pour le repas, dans l’enceinte du
village-vacances.
De 15h à 17h, je visite la médina et les souks
de Marrakech.
La médina
("ville" en arabe) correspond à la ville historique entourée de
remparts en pisé construits par l'Almoravide Ali Ben Youssef en 1132. Cette
muraille mesure cinq mètres de haut et deux mètres d'épaisseur et s’étend sur
une longueur d'environ 12 km .
Une partie de l’enceinte est encore bien conservée, cependant
élargie au moment des agrandissements successifs de la médina, notamment à
l'époque almohade. Cette immense enceinte est percée par 19 portes.
A l'intérieur des murailles, se concentre la
majorité des monuments historiques de la ville : la mosquée Koutoubia, la place
Jamaa el Fna et de nombreux palais ...
Mais ce sont surtout ses souks colorés et bruyants
que l'on vient arpenter ici, sans doute les plus riches, les plus divers, les
plus fascinants que l'on connaisse.
Mille petits métiers s'y côtoient dans une
atmosphère étonnante. Et le tourisme, souvent décrié, a grandement favorisé la
redécouverte d'un artisanat aujourd'hui florissant.
Marrakech, c'est aussi un ensemble architectural
fascinant, avec ses superbes mosquées et ses palais remarquables qui offrent au
voyageur la griserie d'un envoûtement inoubliable. C’est aussi la cour des Miracles :
mendiants estropiés, handicapés, hommes troncs… déambulant parmi la foule en
burnous et les petits ânes.
A 21h30, jusqu’à 23h, Hichem et moi allons manger
dans un restaurant en ville.
Occasion pour nous de parcourir les rues de
Marrakech la nuit.
Mardi 5 avril 1983
Matinée au village-vacances : nous mangeons
encore sur place.
L'après-midi, nous quittons Marrakech. Nous atteignons
RABAT vers 19h, chez
Hichem. Il habite un appartement en ville.
Nous allons passer la soirée dans la villa d’un
copain marocain d’Hichem jusqu'à minuit.
Mercredi 6 avril 1983
Hichem reprend le travail aujourd’hui.
A 7h30, je pars avec sa voiture qu’il me prête pour
la journée.
La végétation du Maroc est essentiellement de type
méditerranéen, avec des oliviers et des eucalyptus dans les plaines et des
chênes verts en montagne. Mais on a beau se croire seul, il y a toujours
quelqu’un pour surgir de nulle part…
Je contourne Meknès et j’arrive à 10h à Fès.
Je sillonne la ville nouvelle, construite par les Français
au temps du protectorat. L’avenue Hassan II en est l’artère principale. Je longe le palais royal, résidence épisodique
du roi. On me dit que si le drapeau flotte, c’est que le roi est présent… Ce
qui est le cas.
Capitale
culturelle et spirituelle du Maroc, Fès est une ville millénaire. Son rayonnement
international passé en fait l'une des capitales de la civilisation arabo-musulmane
aux côtés de Damas, Bagdad, Cordoue, Grenade, Al Qods...
Deux jeunes Marocains m’interpellent à l’entrée de
la médina. Je m’étais bien juré de ne pas me laisser avoir. Mais c’est avec eux
comme guides que je vais faire la visite de la médina.
Pour
y accéder, il faut rentrer par la grande porte Bab Bou Jeloud.
La
vieille ville est un exemple de ville orientale. Le bleu profond de ses céramiques
est un des symboles caractéristiques de Fès.
Fès
El Bali est la plus vaste médina du
Maroc et la plus passionnante. C'est le cœur historique de la ville de Fès. Elle fut classée patrimoine mondial par
l'Unesco en 1976. Ses ruelles en labyrinthe mènent vers une multitude de
merveilles historiques et de souks.
En la jalonnant, on peut facilement se laisser
emporter à travers son histoire, grâce à ses nombreuses mosquées, médersas,
fondouks, fontaines et salles d'ablutions, jardins historiques, murailles et
remparts, portes fortifiées, mellah et synagogue, manufactures, mausolées,
palais et riads, places et souks.
Mes deux compagnons vont me mener dans les moindres
recoins des souks et aussi, bien évidemment, chez les commerçants avec qui ils
sont en accointance ! Mais, pas de chance, je n’achète rien…
Le quartier des tanneurs reste le témoignage vivant
d'une technique ancestrale. Il faut en fait prendre un escalier montant dans un
des magasins de cuir pour touristes qui possèdent une terrasse avec vue imprenable
sur les puits colorés. Vu la quantité de touristes dans la boutique, ces commerçants
ne doivent pas être à plaindre.
Impressionnant ! On débouche sur les terrasses
où des générations de tanneurs œuvrent pieds nus dans des cuves de teinture
aux odeurs nauséabondes. Les peaux ont
été au préalable débarrassées de leurs poils dans des bains de chaux pendant
des semaines. Pollution par le chrome et les métaux lourds garantie.
Pour l’heure, les puits sont désertés. C’est l’heure
de la pause.
Je mange dans les souks. Mes deux compagnons
attendent que je termine mon assiette. Ils me proposent du kif.
Quelques temps après, je me sépare de mes guides,
avec une petite obole en dirhams marocains !
A 14h30 je quitte Fès vers le djebel Zerhoun.
En cours de route, un rond-point que je contourne
par la gauche, sans m’en rendre compte… En face de moi, un flic. Je lui fais
comprendre par une expression confuse que je me suis trompé. Tel un instituteur
qui gronde un enfant, il agite son index d’un air débonnaire. Sans doute la
plaque d’immatriculation de corps diplomatique de la voiture d’Hichem y
est-elle pour quelque chose !
Plus loin, je charge un auto-stoppeur marocain qui
se rend à Sidi-Kacem rejoindre le prochain arrêt d’autobus. Succès garanti
lorsque l’on s’arrête. Je comprends à l’air amical et curieux de ses compagnons
qu’il leur a raconté quelque chose comme : « j’ai été chargé par
l’ambassadeur » !
Je passe ensuite à Kenitra et arrive à Rabat à 18h.
A 19h, Hichem et moi partons pour Casablanca, 90 km plus au sud. Hichem est
tout excité. Il doit interviewer le Premier ministre du Maroc à qui il a pu
soutirer un rendez-vous.
Sur place, il me reste à attendre qu’Hichem
revienne. Ça ne tardera pas trop. Il arrive, furieux. Le Premier ministre, en
retard, l’a envoyé promener : « Je n’ai pas le temps, reviens une
autre fois. »
Pour nous consoler, nous allons manger de la petite
friture dans un restaurant sur le port de Casablanca. Et là, on passe une bonne
soirée. La friture est vraiment excellente !
On rentre de nuit à Rabat pour 23h.
Jeudi 7 avril 1983
Quand je me lève, Hichem est déjà parti travailler.
Sa femme de ménage marocaine est dans l’appartement, un peu surprise de ma
présence.
Je passe la journée à Rabat.
Le matin, je me promène au centre-ville. Je longe le
palais royal. Edifié
en 1864, il ne peut être admiré que de l'extérieur.
Je retrouve Hichem vers midi en ville. Ensemble nous
mangeons dans une cantine administrative où il a ses habitudes.
Dans
l’après-midi je visite le mausolée Mohamed V sur l'esplanade de la
mosquée Hassan. Il abrite le tombeau du plus populaire des sultans et rois du
Maroc, Mohammed V, père de l'indépendance.
Légèrement
surélevé, faisant face à l'océan et aux colonnades de la Tour Hassan , le
mausolée est bâti en marbre blanc d'Italie.
En face de la porte des Oudaïa, tout en pierre ocre sculptée,
s’ouvre l’ensemble artisanal qui est la
vitrine du potentiel artisanal local. Architecture
très réussie. La visite, agréable, permet de voir travailler des artisans
qualifiés, en toute tranquillité, sans être assailli.
Je me rends ensuite à la nécropole de Chellah, fortifiée au XIVe siècle sur
l'emplacement de l'antique cité romaine Sala Colonia. Une végétation luxuriante
a pris possession du site. Les cigognes ont élu domicile au sommet des vieux
minarets.
Je me promène dans les jardins et ruines. Puis je
retrouve Hichem dans la soirée. A 21h, nous allons manger en ville.
Vendredi 8 avril 1983
A 5h30, je prends un bus pour Casablanca. Le jour se
lève pendant le trajet.
A 9h30, départ en avion depuis l’aéroport Mohamed V.
Escale à Genève.
A 16h30 (heure française) : arrivée à Strasbourg.
Viviane et Alexia m'attendent à l'aéroport.
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