Lundi
30 mars 1987
Mon
frère Pierre m'emmène à l'aéroport d'Orly d'où je décolle à 11h40.
L’avion
est un charter qui déverse sa cargaison de touristes. Ceux-là sont bien
gentils et un peu bruyants ; ils applaudissent lorsque l’avion se pose…
Arrivée
à Iraklio (Héraklion), dans l'île de
Crète (GRECE) à 16h50, heure locale.
Après
la prise de Constantinople en 1453, la
Grèce est intégrée à l’Empire ottoman. C’est le 3 février 1830, à la Conférence de Londres,
que le premier état grec indépendant de l'ère moderne voit le jour, suite à
une guerre d'indépendance.
En
1967, une junte d’officiers instaure le « régime des colonels ». La République hellénique est proclamée en 1973. En
1981, la Grèce
intègre la Communauté Economique
Européenne.
En 1913, la Crète (province autonome
turque depuis 1898) décide de quitter l'Empire ottoman pour s'unir à la Grèce.
Après
les contrôles de police et de douane, je passe au bureau de change (francs
contre drachmes). J’embarque dans le bus des touristes jusqu’au centre
d’Héraklion. Je dois supporter un jeu de devinettes… Heureusement, Héraklion
n’est pas leur destination.
Le
bus me dépose en ville. Je m'installe pour deux nuits dans un hôtel que j’avais
réservé à l'avance.
Dans
la soirée, je vais faire une balade à Héraklion. C’est d’abord du repérage. Pas
facile de déchiffrer et retenir les noms de rues, uniquement inscrits en
alphabet grec ! Mais c’est une question d’habitude. Demain, ça ira déjà
mieux !
Au
centre de la ville se côtoient églises byzantines, palais vénitiens, fontaines
turques, bâtiments néoclassiques et immeubles de béton construits dans les
années 1950.
Vers
21h, je mange dans une taverne, (« taberna ») en terrasse dans une
ruelle commerçante. Pour ce soir, ce sera une moussaka.
A
la nuit, je flâne en ville…
Mardi
31 mars 1987
les imposants remparts vénitiens (datant du XVe
siècle, longs de 4 km
et larges jusqu'à 29 m ),
l'arsenal où l'on construisait jadis les galères. Le port est abrité par une immense jetée qui s'étend jusqu'à Kastro
Koulès, fort vénitien construit dans les années 1530 devant la menace que
constituait l'Empire ottoman.
Sur la place Eleftherias,
je visite le musée archéologique. Il
présente les trouvailles des fouilles effectuées dans toute la Crète et illustre la très
ancienne histoire de l'ile. Surtout, les spécimens exceptionnels de la
civilisation minoenne (2000-1400 avant JC) font de ce musée un lieu unique au
monde.
Je
mange dans une taverne, ainsi qu'habituellement.
Les
kiosques à « döner kebab » sont foison. Le kebab est généralement fait avec de la viande d'agneau ou de poulet.
La viande est découpée en tranches d’environ 1 centimètre d’épaisseur
et est empilée sur une broche verticale. Un système de résistance électrique
ou de brûleurs au gaz situé en arrière de la tour de viande permet de la faire
cuire. Une fois cuite, la viande est finalement découpée verticalement en
fines tranches. La spécialité grecque se mange dans un pain pita avec du yaourt
sous le nom de gyros.
L’après-midi,
je prends un bus pour aller visiter les ruines du palais minoen de Knossos, à 5 km d’Héraklion.
Knossos fut la capitale de la Crête lors de la période minoenne. La cité abritait le palais du roi Minos, fils de Zeus, le plus important des palais minoens et sans doute le plus connu des sites crétois depuis sa découverte en 1878. Knossos est aujourd'hui le plus grand site minoen qui puisse être visité. Son aspect et sa taille en font un endroit remarquable et incontournable des civilisations de l'Europe archaïque. Le palais découvert par Sir Arthur Evans est le plus grand et le plus raffiné des palais crétois. Construit vers 1800 avant JC, le premier palais de Knossos fut détruit 100 ans après par un séisme. Il fut immédiatement reconstruit. Il regroupait plus de mille pièces, possédait un système d'égouts très fiable, des toilettes à chasse d'eau et des routes pavées.
Autour de la cour centrale s'articulent
les édifices majeurs. C'est dans ce
palais que se trouve le fameux labyrinthe souterrain où, selon la mythologie,
vivait le Minotaure.
Le site de Knossos est vaste, dans lequel on peut flâner
librement, s'arrêter sur un banc à l'ombre des oliviers....
Les
façades sont monumentales, elles s’étendent sur plusieurs niveaux et sont
rythmées par des piliers et des colonnes rouges sur des murs en gypse et en
albâtre. Les colonnades crétoises sont dites renversées car elles s’évasent
vers le haut. Ce sont des colonnes en bois de couleur rouge qui sont plantées
dans le sol et surmontées du chapiteau typique crétois.
Je reprends le bus et rentre à l'hôtel à 17h30. Je sors en ville pour siroter un « ouzo » bien frais et déguster un plat local, (zaziki, aubergines…) Sur la place Venizelou, se concentrent terrasses, cafés et restaurants. Très animée par les Crétois dès la tombée du jour, la place est un spectacle à elle seule. Spectacle encore enjolivé par la fontaine Morosini toute proche (XVIIe siècle), ornée de lions de marbre et qui offre une bienvenue fraîcheur.
Mercredi
1er avril 1987
A
10h30, je quitte l’hôtel, et je me rends avec mon sac à dos à la gare routière.
Je prends un autobus pour Hania (La
Canée ), dans la partie ouest de la Crête , à 140 km d’Héraklion.
Le
voyage est pittoresque et coloré. Femmes en fichus, paysans typés avec parfois
des volailles vivantes dans le paquetage. L’autobus s’arrête partout en pleine
campagne, à chaque carrefour, dès que l’on fait signe au chauffeur. Les
villageois font parfois encore une longue distance à pied pour rejoindre leur village.
Le
parcours est lent, rythmé par les arrêts. On arrive à 13h30.
Ancienne capitale de la Crète , Hania (La Canée ) dégage une
atmosphère harmonieuse comparé au tumulte qui règne à Héraklion. C’est une
ville touristique, prisée par les routards.
Je
m'installe dans une pension près du port : une petite chambre ingrate dont
la fenêtre donne sur une étroite cour avec de hauts murs. Tant pis, je ne suis
pas là pour y séjourner.
Je
visite la ville jusqu’au soir, et notamment l'ancien
quartier musulman Topanas. Le repérage est plus facile, car ici
les inscriptions de rues sont doublées : alphabets grec et latin.
La vieille ville est dominée par les bâtiments de
l'époque vénitienne. Le port qui est
aujourd'hui bien trop grand, rappelle l'époque brillante où Hania était encore
une métropole commerciale. Pour les bateaux d'aujourd'hui, le port n'est pas
assez profond. Cargos et navires accostent à la base navale voisine, dans la
baie de Souda.
C'est incontestablement sur le port vénitien et dans la vieille
ville, entre jetée et mosquée des Janissaires, entre phare et ancien
arsenal, que l'on ressent le mieux l'ambiance typiquement méditerranéenne des
lieux. Je me perds dans le dédale des ruelles et des impasses en escaliers.
Autour
du port, une concentration de routards marginaux et bruyants…
Je
bois un ouzo en terrasse sur le port, encore éclairé par un soleil rasant.
J’entre dans un petit restaurant étroit, bondé
et enfumé. Je vais y passer la soirée : atmosphère sympathique de
routards.
Mais le vin « retsina » est redoutable.
C'est un vin à base de savatiano, blanc
ou rosé. On y ajoute de la résine de pin d'Alep au moment de la fermentation.
La résine stabilise le vin, qui ne s'améliore donc pas en vieillissant, et lui
permet de résister à la chaleur. Elle est ensuite retirée, avec les lies, par
soutirages.
En
tout cas, je ne me méfie pas. C’est lorsque je rentre à la pension que j’en
ressens les premiers effets. Je suis malade. Je lave peu ou prou les draps que
je vais étendre dans une cour intérieure. Heureusement qu’il y a deux lits
dans la chambre. Je dors dans le second.
Je
ne boirai plus de retsina, promis !
Jeudi
2 avril 1987
Au
matin, il me faut bien expliquer dans un mauvais anglais au gérant de la
pension ce qui est arrivé à mes draps. Il me regarde d’un air entendu !
Pour
me remettre d’un mal de crâne lancinant, je visite à la « fraîche »,
à pied, les quartiers Kastelli et Splanzia.
Je
m’arrête ensuite dans une agence et je loue une voiture pour la journée. Un peu
poussive, la voiture… J’espère qu’elle va tenir le coup !
Je
pars alors dans la montagne. Je mange au village de Lakis une salade crétoise.
L’olivier, omniprésent dans le paysage
crétois, est l’arbre sacré depuis l’Antiquité. Les olives et l’huile d’olive
se retrouvent forcément dans les assiettes.
La
petite route serpente au milieu des champs d'orangers, de mandariniers puis d'oliviers. La montée vers le
plateau est splendide.
Je croise des chèvres en liberté.
J’arrive sur le plateau d'Omalos
(1050 m ),
au milieu des crêtes du massif de Lefka Ori, utilisé pour la culture des pommes
de terre et des céréales.
Le plateau d'Omalos était le refuge et
la base des résistants de la région pendant les siècles de l'occupation turque
mais aussi pendant toute période difficile de résistance contre tout
conquérant.
Actuellement, le plateau est recouvert
de neige. Contraste saisissant avec la vallée où poussent les oranges. Je
charge en auto-stop un quidam que je vais laisser sur le plateau, sans savoir
trop où il se rend, dans ce désert blanc.
J’arrive
à l'entrée des gorges de Samaria,
enneigées. L’accès en est fermé à cette saison. C'est le plus long défilé d’Europe, qui descend sur 18 kilomètres du
plateau d’Omalos jusqu'au niveau de la mer au village d' Agia Roumeli. C’est
un parc national.
Au
retour, je m’arrête dans la vallée pour cueillir une mandarine bien juteuse…
Je
suis de retour à Hania pour 17h30. Je vais rendre la voiture à l’agence.
Je
bois l’apéro et je mange dans un restaurant sur le port. « No retsina,
please !»
Je
rentre à la pension à 22h.
Vendredi
3 avril 1987
10h30,
gare routière de Hania… Je repars en bus à Héraklion. On arrive à 13h30.
Pour
me débarrasser de mon sac à dos, je cherche d’abord un hébergement. Je
m’installe dans une « guesthouse », modeste mais correcte.
Je
passe l’après-midi et la soirée à Héraklion. Sur une place, un touriste hilare
en short et casquette photographie sans discrétion un malheureux pope
orthodoxe qui passait par là, tournant autour comme une mouche...
Devant
les boutiques de souvenirs, les cartes postales de femmes nues voisinent
curieusement avec les icônes orthodoxes et autres bondieuseries.
Depuis
une cabine publique, je téléphone en France à la maison pour donner de mes
nouvelles. C’est Alexia qui décroche…
Après
un repas au resto et une balade dans les rues, je rentre à la « guesthouse ».
Samedi
4 avril 1987
Ma
bourse se tarit. Je choisis l’auto-stop pour me rendre à Aghios Nikolaos, dans l'est de l'île. Une voiture me charge
rapidement ; et j'y arrive à 11h30.
Entourée de montagnes, la ville est située dans la
baie de Mirabelo, à l'est de la Crète. C ’est
une ville de tourisme, station balnéaire. Tourisme très différent de celui
d’Hania.
La curiosité naturelle la plus spectaculaire en
ville est un lac d'eau douce au bord duquel s'alignent les tables et les
chaises des nombreux cafés et restaurants.
Le
lac sert actuellement de port aux nombreux bateaux de pêche, car depuis 1870,
il est relié par un canal au véritable port.
J’évite
les terrasses bondées des restaurants pour monter sur les hauteurs de la ville.
D’ici la vue sur le port est somptueuse.
Je
fais une balade dans les rues de la ville, qui ne retiennent pas particulièrement
mon attention. Je m’arrête dans un bistro populaire pour manger une salade.
Dans
l'après-midi, je quitte la ville à pied par la route. Je bifurque bientôt dans
un chemin qui pénètre dans la montagne environnante : végétation
méditerranéenne, vignes, oliviers, cultures en terrasses. Je flâne dans ce
milieu aride, j’observe la flore et je me repose au soleil.
Je
rentre en stop pour 19h30 à Héraklion. Je vais m’installer dans un petit hôtel
de routards, moins cher que la « guesthouse » : possibilité de
dormir en chambre commune ou sur la terrasse de l’hôtel.
Je
passe la soirée en ville : discussion jusqu'à minuit en terrasse d'une
taverne.
Je
rentre à l’hôtel et dors dans la chambre commune où j’avais installé mon sac de
couchage.
Dimanche
5 avril 1987
Dans
la matinée, je pars à Arkanès (ou Archanes) à 16 km d’Héraklion. Je prends
d’abord le bus qui mène à Knossos ; je poursuis en auto-stop et termine à pied.
Archanes se situe juste à quelques kilomètres
au sud de Knossos, sur le versant d’une petite colline. Le bourg se dresse sur
un site se trouvant face à la montagne sacrée de Jouchtas. Selon les mythes, Zeus fut enterré dans
l’une des grottes. La campagne environnante possède de nombreux vignobles.
Ici est produit le meilleur raisin crétois et le célèbre vin d’Archanes.
Le
bourg est un lieu très agréable. Je flâne dans les ruelles écrasées de soleil.
Je
mange dans une des tavernes situées autour de la place principale.
L’après-midi,
je me dirige vers la colline de Fourni,
nécropole antique découverte en 1960.
C'est
un lieu magnifique couvert de vignes, d'oliviers, de cyprès, de pins et de
lauriers. La nécropole est située sur une petite colline. On y accède par un
chemin pierreux, montueux, rempli de senteurs méditerranéennes. Les fouilles effectuées ont exhumé 26
bâtiments funéraires, 5 tombes à Tholos et bien d'autres tombeaux. Ce vaste
cimetière fut en usage pendant plus de 1000 ans (2400 à 1200 avant J-C). On y
a découvert des sépultures royales, garnies de mobiliers qui disent
l'opulence des princes enterrés.
Je
me balade sur la colline, mais ne peux pénétrer dans le site lui-même, fermé.
Il fallait en effet demander la clef au village…
Depuis
Archanes, je rejoins à pied la route principale, et je continue en stop jusqu’à
Héraklion.
Je
passe à nouveau la nuit dans le petit hôtel.
Lundi
6 avril 1987
Je
prends un petit déjeuner en terrasse devant la fontaine Morosini, sur la place
Vénizélou qui rappelle en plus petit la place Saint-Marc à Venise.
Le
matin, je vais visiter le musée historique d'Héraklion. Il retrace l'histoire de la Crète
depuis le début de l'ère chrétienne jusqu'à aujourd'hui.
Je
passe encore une partie de l’après-midi en ville, sac à dos sur les épaules.
Ayant épuisé ce matin mes dernières drachmes, je me dirige à pied vers
l'aéroport, situé à quelques kilomètres de la ville.
L’avion
décolle à 17h30. C’est toujours un charter. J’y retrouve une partie des
touristes de l’aller. Ambiance…
Arrivée
à Orly à 20h10 (heure française).
Pierre
et Sylvie m'attendent à l'aéroport.
*****
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